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    Message par Rouge&Noir Dim 9 Mai - 18:40

    Ce texte est en réalité à la base une rédaction, il a obtnu la notre invraisemblable de 20/20.

    Au fond d'un tiroir, je l'ai retrouvée, quelque peu cornée mais toujours aussi blessante à regarder. En plus de cela, c'est une photographie floue. au centre, une femme, blonde, d'une cinquantaine d'années. Autour d'elle, les lignes et les formes se condondent. Ce qui correspond assez bien à la réalité : elle est le centre de ma vie et toutes les autres choses qui se doivent de composer mon existence ne sont que des tourbillons d'ombres et de flous.
    Elle regarde fixement l'obejectif. On pourrait même dire que son regard est dur et si on la connaît bien, on peut y décler une infime pointe de tristesse. On sentirait presque son parfum. J'aurais dû me douter que la suite ne serait pas si enivrante que les volutes de son parfum.
    Il y a des histoires d'amour qu'on refoule au départ sans le vouloir et qui par la suite rennet de trop grandes proprtions. C'est ce qu'il nous est arrivé.
    Un jour je lui ai dit que je l'aimais, je n'en doutais pas une seule seconde. Elle a mis un mois à s'en remettre. Elle dira que pour elle, ce n'était qu'une "simple histoire de préférences". En disant cela elle évitait de m'avouer qu'elle ne voulait pas remettre sa vie passée en question.
    A partir de là, nous n'avons plus entrenu de ralation saine : je la fais souffrir autant qu'elle le fait. C'est la seule réciprocité valable entre nous. Et ce regard plein de mépris qu'elle lance au photographe sur cette image, il me rappelle tout ceux qu'elle a pu échanger avec moi. Froideur, indifférence et désinvolture, voilà ce qu'on voit dans ce regard.
    Et porutant, il paraît qu'elle souhaite mon bonheur ; contre toute attente, sans elle il m'est impossible. Ellesveut aussi que je grandisse ; peut-être pour que je lui revienne avec des peines en plus. Elle pourra alors enfin me consoler de quelque chose qu'elle n'aura pas engendré. Le seul réconfort qu'elle ait pu m'offrir, je lui ai dérobé. Une étreinte furtive un matin d'été, et à mon tour je l'ai abandonnée.
    Dans quelques mois, l'heure de notre si attendue séparation sonnera. Il faudra lors que je la noie dans les méandres de mes pensées. Je ne l'oublierai pas, on n'oublie pas celle à qui ont doit sa survie.
    Voilà, il n'y a plus de photographie, j'achève juste de la déchirer. Je me suis toujours demandé comment je pouvais sembler équilibrée aux yeux des autres
    alors que cette histoire me ronge.
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    Message par Caesar Salvinion Dim 9 Mai - 19:18

    Vous écrivez bien mademoiselle, même mieux que beaucoup d'auteurs.Toutes mes félicitations.


    Dernière édition par Farniente le Lun 10 Mai - 14:05, édité 1 fois (Raison : En ce qui concerne le vôtre, décrire, il n'est pas de la même qualité, au moins en ce qui concerne l'orthographe !)
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    Message par Rouge&Noir Dim 9 Mai - 19:31

    Merci beaucoup, après je ne suis pas convaincue de ce que vous dites là. Merci tout de même.
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    Message par Farniente Lun 10 Mai - 13:59

    beau texte agréable à lire. Comme dans tous ceux que nous écrivons des modifications se font demander au fil du temps. Mais un 20, dans le rapport aux autres élèves, est plus que largement mérité.
    si vous le permettez, bien que mes textes vous paraissent peut être quelque peu ridicules au regard du votre, je mettrais quelques unes de mes réussites(des 20 ou des 18)
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    Message par Rouge&Noir Lun 10 Mai - 14:01

    Je lirai vos textes avec plaisir.
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    Message par Farniente Lun 10 Mai - 17:31

    ce que je vous présente ici est une nouvelle qui n'a pas servi lors de rédactions, et qui mérite sûrement quelques corrections. Si vous en avez en tête, faites les moi passer. Il n'y a que très peu d'allusions personnelles dans ce texte, rassurez-vous.
    Le Grand échiquier
    Introduction :
    Nous sommes dans une gare, un onze septembre. Il fait froid, et les sibilements des trains, sous le toit épais, frémissent dans le crépuscule. Les gens pressés passent, se croisent, se touchent sans se regarder. Quelques mouchoirs s’agitent, panachures de blanc dans le fourmillement des couleurs. Loin du bruit, dans les tréfonds sombres du bâtiment, près des rêveurs, endormis sur leurs journaux, le train de marchandises attend son heure. Le charbon qu’on y déverse érafle les bords décolorés, en des raclements sourds. Ça y est, un drapeau flotte dans l’air glacé, les roues tintent une dernière fois sur les voies tordues, et le train part. Le dernier wagon, en sortant, voit apparaître le premier rayon du soleil, se reflétant sur ses bords polis.
    En cette fraîche aurore, les gouttelettes provenant et étant la rosée matinale, transpercées par des rais orange de lumière irradiée, perlent sur le bord des larges feuilles et glacent de rose les séneçons doronic. Les quelques lacs, qu’on aurait dits d’hyalite, bordés par des plages encombrées de blocs de serpentinite, baignent de mortes épines en le sanctuaire de leurs sombres eaux. Dans la stratosphère, les nuages de baptiste planent sur le zéphyr calme du matin, seules barrières à la vue des étoiles au firmament. Entrelacées, rougeoyantes, nigritelles d’Autriche et orobanches du Gaillet se confondent et donnent à la plaine un air lointain.Les sabots de Vénus, à l’ombre des tertres herbeux, offrent à Râ leur forme dorée, et, au pied des souches pourries, moisies et recouvertes de mousse humide, les pieds-de-mouton jaillissent en d’odorants bouquets où se réunissent, quand l’air se fait lourd, les insectes bourdonnants qui festonnent les bords fins de ces champignons. Dans l’humus grossier, l’on peut deviner les réseaux de filaments mycologiques qui donnent chaque jour des russules de Turco, cocardés et cernés, des géastres sessile fleuris crème ocracé, des cortinaires de la Forêt-Noire violacée, et autres chanterelles, hygrophores ou bolets, nés sous les premières feuilles tombées de l’Automne, morts dans les premières gelées de l’Hiver. Quelques biches claires, regroupées, broutent des cumins des prés à l’orée des innombrables bois, habituellement de sinople, quoique à cette période parsemés de feuillages écureuils.Des bosquets de bonnets-de-prêtre, riants, exposent à l’astre du jour leurs rameaux bruns et dégarnis. Dans les aulnaies, les verts houblons laissent rôder leurs racines glacées au fil des eaux stagnantes, et en sous-bois, sous le couvert d’épineux, les frêles pains de coucou sont enfouis sous une folâtre et humide terre de saison. Quelques sizerins brillent au travers des joncs pourris, appendés a des rameaux herbeux qui leur servent de repère. Le train marche toujours, à pleine vitesse dans les tribulations du jour levant.
    Le cheminot, assis à son poste de commande, jette un œil à sa montre, puis aux rails qu’il va bientôt quitter. Il allume la radio qui, après un grésillement, bruisse des rumeurs chaudes de la capitulation allemande. Mais il est triste, il n’y croit pas, depuis longtemps déjà ce genre de bruit court. Il aimerait en rire, mais il ne peut pas.
    Un bourdonnement se fait entendre, tape aux vitres, à la manière d’un essaim d’abeilles porté par le vent. Mais ce n’est pas ça. Deux avions de guerre, raies dans l’océan de l’azur, déchirent sa dentelle bleutée, puis lâchent deux boyaux de métal aigu, rémoras qui abandonnent leur guide. Le train explose. Les tôles disjointes se tordent dans la chaleur fumante, les roues grincent, la chaudière éclate. Le train déraille, se tortille comme un requin à l’agonie, dérape sur les rêves herbeux, et arrête sa course contre le roc, dans une seconde explosion. L’homme et le charbon sont perdus, tous deux calcinés, dans les flammes qui éclairent les deux ombres planantes, heureuses, s’en revenant de leur mission.
    Dans les fleurs brûlées, repose le dernier train victime de la guerre.

    Des années plus tard…
    Nous étions en Avril, ou bien peut être en mai. Imaginez une ville très calme, avec bien peu d’immeubles, qui promenait ses jardins fleuris en attente de la tonte, ses allées de platanes hauts et noduleux qui se reflétaient dans une onde moirée par le ciel bleu. Çà et là, on voyait quelques courtilles où, malgré la gâtine, jaillissaient des bouquets florifères au milieu d’une herbe rase et floche. Aux fenêtres, quelques bacs fleuronnés colonisaient le réveil de la ville, au-dessous des têtes penchées et pensives, qui regardaient le dehors involuté commençant à s’épanouir. Dans les grisards chenus, des alouettes encore rêveuses grisollaient, accompagnant de fort belle manière le grondement du vent dans les ramures, cette Bora qui bousculait les grimpereaux appendés aux murs blancs. Au levant d’hiver, la barque de Râ, nautonier céleste, déambulait, jouxtant les parois encore fraîches. Le temps nous disait des roses, « Ποδα μ ειρηκας ».
    Pour donner une idée de l’aspect des habitants, il faut que le lecteur les voie, peu pressés par la vie, endormis dans leurs chaises longues regardant vers le Sud, lisant aux terrasses ou auprès des portes-fenêtres, les tondeuses sagement rangées dans les garages fermés. Ils avaient cette indolence qui consiste à ne rien prendre au sérieux, eux qui, loin de la misère, ne voyaient que le temps qui change autour des vies. Quant à ceux des résidents qui nous concernaient vraiment, à proprement parler, ils habitaient au-delà de l’avenue principale, dans un quartier trop tranquille, simple, leur maison posant ses murs crépis dans les gravois. Ses frontières étaient délimitées par de vieux murs au mortier défait, dont les interstices étaient comblés par des touffes d’hypne et de centranthe. Dans un angle, les racines suspendues aux pierres friables, une cépée de saules cendrés ombrait une petite table ronde de jardin. À ses côtés, une femme accompagnée de son fils déjeunait au tintement clair des cuillères sur les rebords. Les chaises reposaient sur des mottes de terre où poussaient allègrement des belladones vulgaires et des laîches digitées, ce qui les rendait bancales. Mais ce qui attirait surtout le regard, c’était la quantité de petits pots ronds hyaloïdes, couronnés par des tissus multiples, qui prenait place sur le toilage d’une dentelle de Bruges. L’on pouvait y piocher tour à tour un échantillon des saveurs innombrables qui peuplaient la table, explosion de couleurs et de goût pour nos sens.
    Devant ce tableau aux allures posées, son regard composé de vie formant un sourire, on aurait pu penser à un oiseau majestueux, qui plane et que rien ne dérange. Mais sous cette allure calme et tranquille, sous les rémiges de l’oiseau opalin, se cachait l’ombre au tableau, un sentiment plus sombre dans la palette des bonheurs. Une impression composée d’un vide, que les personnages tentaient tous de combler. Une absence, un manque, une paternité déchue et invisible. Pour Jean-Baptiste, un jeune garçon aux quinze ans passés, qui cachait son visage oblong et blême sous une mèche de cheveux bouclés, il avait divorcé, chose en soi devenue tristement banale, et s’en était allé. Avec sa mère aux cheveux grisonnants et aux traits tirés, il attendait un message, un signe, un rêve ou un souvenir.
    Mais en réalité, son père était parti pour un tout autre endroit que le voyage, un endroit plus haut, moins visible, plus immatériel. Une ascension funèbre, au milieu des cratères d’obus, des fermes dévastées, des femmes sans leurs maris. Le tout sur l’air encore menu de la paix qui s’annonce, de l’esquisse d’un croisement de main, carrefour ouvrant des voies vers tous les horizons de la liberté. Pourquoi berçait-on d’ignorance un enfant qui devrait un jour être adulte ? Pourquoi mentait-on, enchaîné à jamais dans l’illusion, Sisyphe dans son œuvre sans fin ? Qui peut le dire ? Tout n’est qu’avis. Peut-être au fond pour recouvrir d’un voile que l’on croyait pudique une honte ignoble, insensée. Tous les morts, au front ou à l’arrière, sont morts pour la France. Jusqu’au fin fond des trains, dans la sueur et le charbon, au milieu de la campagne verdoyante, désormais grise de cendre.
    Alors, sous le calme apparent, le destin bouillonnait ? La vie et la mort, la fatalité, tout reprenait ses droits ? Oui, répond le romancier, qui crée à sa guise, souvent à l’image d’un réel rêveur et fou.
    Jean-Baptiste avait connu cette désillusion fatale et inévitable qu’était la découverte sous ses formes les plus noduleuses. Dans l’inattendu. Par la bouche d’une indifférence triste. Au café, à l’endroit où il se rendait souvent quand il était pris par l’inactivité, ou lorsque son âme se glaçait de triste. Deux amis discutaient devant leur verre vide, discutaient de l’ancien temps, de la guerre et des morts, comme deux âmes regardent le monde des vivants. D’abord, il eut l’oreille distraite de l’adolescent rebelle qu’importent peu les paroles des vieux témoins. Mais le sourire cynique du destin penché sur sa frêle existence accentua dans sa tête les mots bien pesés : « bombardements (…)Mort (…)Train (…)ironie du sort ». Et puis un nom. Un nom qui, de toutes les manières, allait tout bouleverser.
    Jean-Baptiste avait d’abord cru qu’il allait défaillir. Mais contre toute attente, il s’était maîtrisé, était revenu, et puis s’était couché.Tout se passerait ce matin.
    Peu à peu, il engagea la conversation, avec un ton léger et presque enfantin :
    «-Papa, est ce qu’il nous a envoyé de ses nouvelles ?
    -Non, mon chéri. Mais il nous en enverra, tu verras, un jour, sans que tu t’y attendes. Puis, plus ferme :Cesse de poser la question, veux-tu ?
    -J’ai quinze ans, maman. Et je ne crois en rien. Toi, sais-tu si les âmes aux cieux possèdent des messagers pour nous autres vivants ?
    -Il faudrait poser cette question à un père. Pour ma part, je ne pense pas. Peut-être par le cœur… Jean-Baptiste la coupa dans son élan spirituel :
    -Alors, tu me fais attendre des merveilles ! Des choses qui n’arriveront pas. Jamais. Je ne suis plus un enfant ! »
    Son visage se fronça de rides, comme des lits qui attendent leur cours d’eau, des sillons leur semence, des amants leur amour. Il avala une salive sans goût, âpre, bestiale, qu’il ne pu déglutir. Dans les yeux hagards de la mère, derrière un rideau morne aux couleurs inutiles, une idiotie profonde, une surprise sans émotion, d’immensurables conséquences. Dans l’air, une diaprure de tristesse, de rage, d’incompréhension.
    La violence, dureté froide qui s’abat et ne fracasse que des ombres, emplit l’âme depuis si longtemps vide de sens de Jean-Baptiste. Comme le vent qui cesse avant l’orage, il tenta de comprendre. Mais les pourquoi ne sont que des mots fragiles qui ne provoquent aucune belle réponse. La vérité ne se donne que d’elle-même, la volonté nous fait, plutôt qu’épouser le savoir, nous désunir d’un commun désamour.
    Alors, dans ses orbes de sombre et de noir, comme l’éclair foudroie et fend la cime trop près des cieux, le fou, couvrant son bois de sang, balaya la dame sans ses atours, et, pour voiler la scène d’une hébétude rare, vint poser une gaze mortuaire, ou sang, ou sueur. Derrière le flou, un bruit métallique, une recherche troublante, des cris aigus, une chute, un bruit d’eau qui jaillit, la table qui tombe avec ses pots à saveurs innombrables, le vent dans l’aulnaie qui cesse. La mort enfin, dans son horreur entière. Du vermeil sur l’herbe verte, derrière un regard vacillant, les bagues qui brillent aux doigts sanglants. L’air qui embaume la fragance des agapes du voisin, porte jusqu’à nous le péché amène. Les mains tremblantes ouvrent le robinet, on lave fébrilement le couvert rougi par une chair trop fraîche. Les tiroirs de bois se brisent, mêlent leurs échardes avec le verre. La maison désemplit de billets, et la porte se referme. Les pas alternent sur le macadam fondu. C’est la fuite.
    Peu à peu, Jean-Baptiste ralentit, son pas se calma. Il reprit son allure habituelle. Il fallait partir, quitter ce lieu qui, à tout instant, lui rappelait son geste. Il ne pleurait pas. Mais où aller, que faire ? Après tout, il était seul, désormais, et le choix de sa vie lui incombait.
    Sur le béton brûlant, qui dégageait une fouée floue, il apparut comme sortant des enfers, harassé, dans les haillons d’une misère morale. À l’image du lieu d’où il revenait, était sa voix, chasme, gouffre sans fin qu’il dût, sous l’effet de la nécessité, rendre plus clair et agréable.
    Prenant alors son téléphone portable, il composa le numéro d’un ami. Ce qui n’était plus pour Jean-Baptiste qu’un bruissement dans un combiné fit contraste avec son cœur marmoréen, se fit chaleureux et avenant, l’accueillit, si je puis dire, à tons ouverts. Il s’éloigna alors de ses Lares et Pénates défaites, sans rien maudire, presque inconscient.
    Ses pas le portèrent avec difficulté durant quelques tour au cadran de l’église, et il pu se trouver au-devant du domicile de Mathieu, un jeune homme spirituel qui appréciait Jean-Baptiste. Seules leurs mains se croisèrent, se voulant amicales. Alors, sans savoir pourquoi, Delirium Tremens, le fils indigne se sentit défaillir ; ses doigts devinrent flexueux, s’agrippant à ceux de son ami dans un dernier effort avant la chute, comme tentant de ramener un ciel bien trop distrait à lui. Mathieu se contenta de se dégager, et ne sembla, sous le regard pénétrant du lecteur, n’avoir rien perdu de son alacrité déjà célèbre. Sur son poignet, une petite marque de sang toute ronde était apparue.
    « -Je suis vraiment désolé, répéta Jean-Baptiste, tu es sûr que je ne te dérange pas ?
    -Non, dis moi plutôt comment se porte ta mère. Tu sais, tu as de la chance de l’avoir. »
    Le « Bien, très bien, elle n’a aucun problème » retentit sèchement aux oreilles de Mathieu, qui n’insista pas.
    « -Tu as de quoi dormir ?
    -Oui, Oui, c’est bon. »
    Ils passèrent leur journée à jouer aux cartes. Mathieu était surpris. L’atmosphère était tendue, les pièces retentissaient fort et le bruit se répercutait entre les murs avec pourtant une monotonie lassante. Les dalles de carrare au sol refroidissaient les joueurs. Cette vague glaciale remontait le long d’un corps qui perdait de sa chaleur humaine ; le frisson d’une fièvre subtile et maligne secouait les membres engourdis, battant la mesure d’un air sépulcral, loin de l’extérieur chaud d’Avril.
    Le fou menaça le cavalier par une diagonale noir de nuit ; la dame sortie de l’échiquier ne pu s’interposer, et le cavalier vint la rejoindre sur la nappe bleu ciel.
    Les parties s’enchaînaient. À la fin de la journée, lorsque par l’effet des lueurs vespérales les cases blanches prirent une teinte rubescente et que le couchant à l’âme de moire apparut sur la scène de l’horizon, Mathieu, sentant le temps passer, n’y tint plus et questionna :
    « -Qu’est ce qui ne va pas ? Tu as eu des nouvelles de ton père ? Tu peux me le dire, tu sais…
    -Ne te l’aurais-je pas dit plus tôt, à ton avis ? Pour qui me prends-tu ? Et puis, depuis quand es-tu mon confesseur ? Répondit-il, violent. Et, reprenant sur un ton légèrement moins âpre : Je vais me coucher, bonne nuit. »
    La porte claqua. Mathieu resta seul dans l’encadrement que faisait désormais l’albédo de la lune. Il n’entendit aucun sanglot. Il les attendait, pourtant.
    L’ombre avait envahi la demeure depuis longtemps, lorsque Jean-Baptiste se leva. Et ce n’était sûrement pas du somnambulisme. Lentement, il ouvrit sa porte en priant pour qu’elle ne grince pas, puis il se faufila dans les méandres d’un couloir trop sombre. Il y eut un bruit, des bruits, le temps qui s’accélérait, des billets froissés, des tiroirs renversés. Son cœur se bouleversait, chaque battement le faisait souffrir. Les mains redevenaient crochues, les tremblements revenaient. Frapper, frapper dans le vide. Le chien s’était réveillé. Puis le bruit cessa, avec l’arrivée d’une autre mort. La chambre de Mathieu s’alluma. Nouvelle course. Les mains qui creusent maintenant, puis qui jettent. Un bruit sourd. On rebouche. Et puis la nuit.
    Au matin, Jean-Baptiste était allongé sur le macadam, dans un coin, les vêtements défaits. Au-dessus de ses yeux fanés, ses cils d’ivoire barraient l’aube entrain de se rompre. Il porta ses mains meurtries à son visage, créant des embruns d’une sueur vermeille. Comme ses yeux, sa gorge restait désespérément sèche, torride, douloureuse, et la toux le reprit. Inquiet, écoutant dans l’air cristallin les voix amènes, espérant ne pas ouïr son nom, il reprit fébrilement sa marche.
    Auprès d’une fontaine d’où coulait une eau hyémale, très fraîche, par un tuyau brodé de rouille, il prit le temps de s’essuyer les mains. Mais le sang avait coagulé. Qu’allait donc penser Mathieu de lui ? Peu lui importait maintenant. Il chercha longuement une destination, et, ne trouvant que l’enfer, se décida pour droit devant, là où l’emmènerait le destin.
    Les passants regardaient son air négligé, ses cernes que rien ne pouvait oblitérer, sa face morbide. C’était la grande faux personnifiée, dans toute son horreur, sombre manteau de noir, de cendres et de fumée.
    Un bruit de moteur l’enleva à ses songes. Il reconnut la plaque. Encore une course, effrénée. La voiture derrière accéléra. Il s’engouffra dans un petit passage sombre, ruelle à l’abri et cernée de deux masures en ruine. Les rétroviseurs éclatèrent, fissurant du même coup les murs branlants, ce qui projeta dans les airs un nuage de poussière et de verre. Le crissement des pneus prouvait qu’elle était passée. Jean-Baptiste accéléra lui aussi. Il y eut un bruit, la voiture qui délitait un panneau interdisant de passer. Jean-Baptiste se lança au travers de la grand-route, et ferma les yeux. Un coup de vent déchira la toile de sa chemise, montrant son torse nu, une puis deux collisions retentirent, des cris, du sang l’éclaboussa. Un monceau de phare vint lui fendre un visage déjà laid, dans le frisson d’un dérapage sur le bitume et le bruit de la tôle froissée qui tombe dans l’eau. Instinctivement, il s’était relevé. À peine avait-il fait deux pas, qu’une des voitures encore sur la terre ferme parut comme foudroyée. On ne voyait qu’un nuage carné et piquant, qui enfumait les poumons, et le sol poussiéreux s’était taché d’une auréole crayeuse, mi-pleurs, mi-drame. Il se remit à courir. Un obstacle vint barrer sa route, il vit un peu de verre, donna des coups sourds. Et se remit à fuir.
    On ne lui courait plus après, désormais. Dans sa main crispée, il y avait toujours le morceau de verre. Et puis toujours le sang. Il pensait à son père. Le pauvre cheminot qui regardait le temps passer à sa montre de verre. Et puis l’explosion, sa mort. La mort d’un innocent. Il comprit alors tous ces combats, ces morts pour des idées, ces luttes contre l’injustice profonde, contre l’inégalité des destins. Heureusement, nous étions tous égaux devant la mort. Il eut la sensation curieuse de quelque chose qui s’immisçait en lui, l’emplissant et se retirant tour à tour, comme un assaut de vagues. Il se sentait comme à moitié plein d’un sourire bienheureux, et à moitié ide de solitude. D’une solitude insondable, démente. Une prison sans barreaux. Des crimes sans loi. Il était seul, avec la mort. Mais la mort n’est pas une présence, c’est un souffle, une trépidation du sang, un feu sans flamme. Ce n’est dans l’âme qu’un gouffre, un vide dans lequel la chute est sans fin. Toujours recommencée. C’est un parfum, une lumière qui vous entraîne, et qui est vous.
    Ce flux de pensées, d’où venait-il ? Ces embruns, points irisés de conviction profonde, où se brisaient-ils ? Qui donc lui faisait parvenir ce flot de souvenir, d’images du passé, sous leur teint jauni et craquelé ? Au plus près de la voûte éthérée, des cardées de dentelle se délitaient, froissant les minces doigts de l’azur. Le soleil, en neigeant sa lumière dorée, les faisant bouillonner. En regardant la quintessence des cieux, la beauté et l’élévation des inombrables mouvements sur cette toile profonde à l’infini, Jean-Baptiste comprit. Il s’en voulut d’avoir reproché à sa mère de le faire attendre un message, un indice qui n’arriverait pas. Jamais. Car il était arrivé. Comme ça, sans prévenir, cette lumière avait empli ses songes, ses sens, sa vie.
    Mais si, bien sûr que si, les âmes aux cieux avaient des messagers. Son père était partout, dans ses actions, ses décisions. Sous le visage de la Fatalité, c’était lui, toujours lui. On lui dévoilait désormais un autre passé, le sien, celui de son parent, et, encore un peu froissé, l’arcane de son essence glissait au gré de son sang, dans ses veines gonflées, en une bouffée d’honneur.
    La tête haute, le port altier, plein de la fierté de connaître, la fierté d’un nom qui avait un sens, le jeune homme reprit sa marche sans but. Il rêvait à des chemins de fer, aux sibilements des trains par-dessus la cohue, à l’avance rythmée au milieu des plaines, aux mouchoirs d’adieu. Il se découvrait un rebond du cœur, un désir, un émerveillement.
    Jean-Baptiste demanda le chemin de la voie ferrée à un passant… qui s’enfuit à son aspect repoussant. Tant pis. Il était rassuré aussi. Mathieu ne penserait plus de mal de lui. Sa mère ne vivrait plus dans le mensonge.
    Il entra dans un hôtel, sous l’œil d’une suspicion malsaine, d’une cupidité rare. Seule la vue des billets tous neufs, tous reluisants, aux antipodes de leur possesseur, parvint à dérider le tenancier. On lui offrit une chambre, dans un complexe soudainement moins plein, et il put prendre un peu d’un repos bienfaisant et agréable.
    Son regard erra longuement sur le plafond fissuré, le néon branlant, les murs carminés et dont le coloris semblait déliquescent. Peut-être cherchait-il une oasis où abreuver sa soif d’une paix nouvelle,ou alors le rift d’où il se jetterait pour amincir ses jours et rejoindre les siens ? Mais ce fontalini de sources éternelles se trouvait en lui, pas à l’extérieur, dans les tréfonds de son cœur, bercé par des pulsations sourdes. Il ne servirait peut-être jamais à personne. Qu’importe après tout, du moment qu’on le possède ? L’égoïsme sincère vaut mieux qu’un mensonge d’altruisme. Seuls ceux qui vivent pour eux-mêmes savent être heureux, qu’importe ceux qui nous parlent de vice ! Qu’est ce que le vice, qu’une pénitence morale inventée par des hommes qui se veulent au-dessus de tout ? Qui peut prétendre ne jamais penser à lui, dans le souci de l’Autre, qu’une personne qui ne pense pas ? Que le besoin de gloire fasse ce qu’une bonté qui n’existe pas voudrait faire. Pensons à nous, pour penser aux autres.
    C’est triste ? Qu’est ce qui n’est pas triste ici-bas, sinon ceux qui nous donnent des principes de morale ? Gardons-nous de juger qui ne croit pas en cela, car il croit surtout en la sincérité. Pour aller jusqu’au bout du raisonnement, il n’y a pas de sincérité ? Mais si, regardez ce garçon, il connaît la désillusion de l’absence de vertu, mais pense que la sincérité le rachètera. C’est un pécheur qui cherche à se racheter pour éviter l’enfer ? Il est en besoin de vérité, surtout. Il erre sans chercher dieu. Alors seuls ceux qui croient ont la vertu ? Il n’est point besoin de le chercher pour y croire. Lui, il s’ignore mais ne se cherche pas, il cherche à se comprendre. Ah, vous en venez ici. C’est un personnage de fiction ? Mais moi, en suis-je un ? La fiction n’est elle pas le reflet d’une réalité trop dure à dire avec des mots crus ? Vous m’avez interrompu, m’avez obligé à détruire tout mon effet. Voyez-vous comme je suis égoïste ?
    Revenons à mon récit, vous comprendrez.

    Pourquoi ce si prompt retournement de situation ? Pourquoi ce changement de mentalité si soudain ? Ces questions n’avaient pas lieu d’être. On commettait une erreur de jugement en les posant. On ne se concentrait, sur le sablier du temps, qu’à propos du grain de sable qui chute, et pas sur la somme qui reposait désormais à la base. Il s’était écoulé des années entre les deux, une évolution lente, et Jean-Baptiste avait mûri. Autre facteur important, il avait découvert la foi, une foi inébranlable. Car un dieu n’est rien, et c’est l’unique foi qui réalise des miracles, la croyance bornée ouvre des horizons immensurables. C’est ainsi.
    Au milieu de la nuit, la serrure de la chambre tourna. Un bruissement du parquet dans l’air, c’était tout. Quelques affaires retournées, jusqu’au porte-monnaie. Jean-Baptiste eut un petit rire : « servez-vous ! ». Le voleur soudain moins téméraire tendit un couteau dans la pièce redevenue obscure. Il frappa dans le vide, brisa la fenêtre, déchira les rideaux et les draps. Mais à quoi cela sert-il, de frapper l’inconnu ? Il ne se dévoilera jamais à nous. Ce frisson de peur qui parcourt les veines, coagule le sang en vagues torrides, cesse lorsque l’aube se rompt, et que la lumière jaillit en trombes irisées. Nous sommes impavides face à ce qui est connu. Mais ces considérations n’empêchaient pas le voleur de frapper toujours.
    « Et avec quel argent vais-je payer les dégâts ? » Reprit alors Jean-Baptiste que les bribes de conversation désintéressaient, et que le profil buté de son agresseur finissait par lasser. « Vous me volez, pauvre homme ! »martela-il.
    Le truand se précipita sur la voix. Le jeune homme était calme ; il prit le parti de se battre, d’affronter. Peu de choses importaient pour lui, désormais, et l’effondrement des convenances entre deux hommes aux ombres de bêtes lui offrait l’occasion de briser les chaînes qui l’asservissaient, qui l’avilissaient, qui l’empêchaient de railler l’injustice des hommes. On lui faisait enfin don d’une liberté d’expression, non pas lumière en elle-même, mais par ce qu’elle éclaire. Une expression farouche, violente folle, dans l’air du temps. Une liberté dure, sombre, dont on pouvait faire un bourreau.
    Ce furent des coups, un combat. À la régulière. Dans la nuit, deux ombres exaspérées se confondaient, puis s’éloignaient. Le tout aux allures de danse macabre, où le bûcher était une lueur de peine, dispensant ses rais froissés dans les cœurs ennemis. Dehors, les rares réverbères dessinaient les limites dans le clair-obscur. Entre les lèvres serrées, un parfum salé, discret, qui s’insinuait jusqu’au plus profond de la gorge, un goût de sang, encore vibrant de chaleur, enivrait. Les corps s’épousèrent dans un dernier assaut. Il y eut alors une déchirure, un éclair. Comme si des vannes s’ouvraient. L’espace du vaincu retomba dans le sombre, celui du vainqueur s’emplit de lumière. Les délinéaments éclatèrent.
    Le voleur traversa la porte dans des éclats de bois. Il descendit les escaliers replié sur lui-même, traçant un chemin vermeil sur les marches grises. Et le bruit cessa sans n’être jamais réellement arrivé. Jean-Baptiste se rendormit.
    La nuit était claire, simple, et les lueurs phébéennes emplissaient les ajours. Les rues étaient désertes, et ne s’y trouvait que le silence pour passer. Dans la cour de l’hôtel, séparée en deux par un mur mitoyen, un platane ligneux s’emplissait lentement d’olivacé avec le repos du jour. Un oiseau inconnu au spectateur roucoulait, posé dans la ramée, et l’on ne voyait que son ombre d’encre, plus noire que nuit dans l’obscurité. Le nom de l’enseigne ne clignotait plus, usé par le temps et les déluges. Un peu plus loin, derrière le miroir de l’eau, un corps délitescent, les yeux desséchés, baignait dans la tôle froissée. Sur sa main, une tache de sang finissait de le consumer, dans un calme triste.
    Au crépuscule, en un rais de lumière dorée, Jean-Baptiste ouvrit les yeux, plein d’une jolie candeur.
    Comment cela, je suis hypocrite ? Vous m’en tenez rigueur ? Et ça ne se peut pas ? Le lecteur, lui, ne s’en ferait pas. Prenez-le comme le défi des discours habituels des moralistes. Tout de même ? Bon, très bien, vous êtes lecteur vous aussi, je n’y peux rien, alors je change de mots ; je n’espère pas trop d’esprit :
    Jean-Baptiste ouvrit les yeux, plein d’une jolie vigueur.
    Comment cela je rime, je ne suis qu’un poète ? Ce n’est que le hasard. Je ne cherche que le beau, jamais le juste ? Votre esprit vous trompe, Monsieur. C’est peut-être que je ne suis pas philosophe, mon ami, mais penseur. Quelle différence ? La pensée des philosophes est ordonnée, celle des penseurs est un joli fouillis d’idées agréables à l’oeil, non pas dures et rectilignes. Maintenant, laissez- moi dire, car vous en avez assez fait.
    Après avoir ramassé ses affaires éparpillées, son porte-monnaie jeté sur le sol, ses habits et son morceau de verre, il descendit les escaliers tachés, rompant le charme magique de la nuit passée. Il se présenta à l’accueil. Le patron, espèce d’ignorant abruti aux épaules fortes, regarda le sourire crasseux de son client de son œil beurré. Sa figure était aussi lézardée que ses murs, couverte de pansements rougis comme de la centranthe. Sortant un billet de plus, Jean-Baptiste s’expliqua :
    « Pour l’accueil. » Il sortit dans l’air frais.
    En la tiède haleine de l’astre roi, dans une barque rubescente conduite par on ne sait quel nocher, les noueux et ronceux platanes, pleins de morbidesse, s’engourdissaient et s’étendaient. Dans les cours arbustives des premières villas de l’avenue, les paulownias dégarnis arboraient fièrement leurs odorantes couronnes de fleurs mauves.Les piédouches des balustres étaient moulurés, et dans chacune de ces maisons aux façades bien heureuses, représentaient les quatre saisons.Les feuilles repliées des paviers dévoilaient l’arcane de leur vénusté en se libérant de leur enveloppe sèche, et, suivant leur appétence, se rassasiaient des rais de lumière qui ruisselaient alentour. Rien ne semblait plus suranné. Tout se voyait neuf, jeune et joyeux, tout était roucoulades et rodomontades justifiées, la nature chantait un péan, le péan de sa victoire sur le sablier du temps. Elle perçait enfin dans la ville, et l’on aurait pu croire que, tout en se brillantant et en calamistrant le naissant feuillage, elle tentait dans un ultime effort, en brigant, de ramener Jean-Baptiste à elle. Mais la décision était prise, bel et bien. Il voulait changer d’air, avancer au rythme du hoquet des géants de fer sur la plaine. L’immensurable nature, pour ceux qui ne la connaissent, semble parfois avoir des regrets. Mais elle n’en a point. Elle simplement nous admoneste en se faisant regretter. Coulés dans le béton, les premiers immeubles se levaient droits, resserrés, collés contre les haies de yeuses, et leurs fenêtres ambiguës dénotaient leur ancienne appartenance aux canuts. Tout se faisait plus secret, et les couleurs étaient chantantes. Le Fleuve, pour la première fois depuis longtemps, était moiré par le bleu ciel qui lui, avait presque absorbé la totalité de la couche jaunâtre crée par l’automobile. Au loin, Jean-Baptiste aperçut un bâtiment brun au toit rotond et rouillé, d’où sortaient des sifflements aigus, ceux des trains en partance.
    Ses pas se firent plus pressants, il ressentit il ne sut quoi d’une certaine émotion qui vous saisit à l’approche du convoité. Des images lui vinrent, comme un souvenir d’au-delà des âges. Là, en face de lui, se dressait ce qui faisait sa vie.
    Il passa la porte massive qui servait d’entrée et de sortie, et dont les portes avaient été retirées, laissant seuls les gonds d’airain, offrant l’ombrage massif de leur gigantisme. Au fond de la gare, une horloge dorée, cernée de noir et ornée de nielles intriguait l’impatient voyageur, qui ne pouvait détacher son regard de cette beauté artistique envoûtante, qui faisait comme des fumées de soleil sur le grand mur blanc. Sous le dôme de tôle rouillée, les parois de marbre jaunis et pollués laissaient courir une frise de rinceaux.
    Mais ce fatras artistique, Jean-Baptiste ne l’observait pas. Errant de lieux en lieux, d’ignorances en ignorances, de regards en regards, il finit par se retrouver auprès des voies creusées, fatiguées par le passage incessant du bruit sur leurs rails. Au centre de la foule sûrement pressée, il restait immobile, dérangé seulement par quelques imperceptibles bousculades dont il ne se souciait guère. Frottant de ses doigts battus par la foule les lignes droites du train, comme l’oiseau battu par le vent se pose sur un nuage, ou le poulpe géant qui, battu par la marée, touche une dernière fois le sable, il se sentit habité par un plaisir intense, glacé dans la chaleur, qui ne dura que le temps d’un frisson. Comme épuisé, l’antre vidé de tout son charbon, comme une mine déserte, il laissa la raison reprendre ses droits pour le guider dans un demi-songe, comme après la débauche. Et sa raison voulait plus que le simple toucher de bords fangeux.
    Le vice personnifié, mon personnage ? Il est tel que moi. Que voulez-vous que je vous réponde d’autre ? Laissez-moi parler.
    Il remonta la longue colonne de wagons éraflés, son souffle embuant les griffures des intempéries, formant des ronds plus pales dans les couleurs éclatantes. Il cherchait au loin la silhouette élancée du chef de file, dans le frimas des mouchoirs d’adieu.
    Un peu plus loin, trop loin pour être visible, dans des panachures de fusain, une jeune fille tentait de forcer les passages rétrécis.
    Maud Donau-Lesage était la maîtresse de Mathieu. Jolie de visage, ses longues mèches de cheveux bruns courant sur son front haut, elle avait l’aspect noble dans le malheur de Julie dans la nouvelle Héloïse. Mais sa beauté ne s’arrêtait pas là, continuait jusqu'à ses formes bien faites, dans les rebonds d’un corps généreux, dans les havres de paix où le défunt ne viendrait plus. Qui cherchait-elle ? Cela va sans dires. La haine crispait ses lignes épurées, l’agitait de soubresauts sourds, l’engourdissait d’une chaleur tonnante. Rapidement, elle s’approchait de sa cible, goûtant déjà son désir assouvi. Elle croyait en une vengeance possible, en des inutiles représailles.
    Oui, inutiles ! Que va elle faire d’autre qu’abréger les remords de J.B., à votre avis éclairé ? Je change mon personnage au cours du temps selon vous, et vous me dites qu’avant il ne regrettait rien ? C’est vous qui avancez trop vite, mon ami. Demain, quand après avoir mûri il pourrira, passez-moi l’expression, du moins quand il perdra ses belles résolutions, il regrettera. L’inaction rend pensif, moins léger. Et ces belles années d’actions perdues ? Si vous suiviez au lieu de m’interrompre, vous sauriez où il les passera, ces belles années !
    Maud l’aperçut enfin, cet assassin, un sourire hagard ou anxieux appendé à ses lèvres, avançant fiévreusement dans la cohue, et cherchant à entrer dans le compartiment du cheminot pilote.
    Jean-Baptiste s’approcha de la porte fluorescente, et tenta de la ramener à lui. Mais l’effort resta vain, ne faisant que perler la sueur dans ses cheveux défaits. Déjà, les premiers avertissements retentissaient au-dessus des sibilements des trains, il fallait s’activer. Il tenta de contourner le problème et avança. Mais il se retrouva bientôt bloqué par une fondrière béante, abritant les rails de fer dans ses ténèbres ombreuses, l’air dur d’un contremaître dans ses lignes droites de béton. Dans le froissement du départ, il n’entendit rien de ce qui le poussa, et se contenta de blêmir de peur.
    Maud, prise d’une rage folle, se précipita contre tout son malheur, l’image de cet homme avide de sang, de ce meurtrier qui l’oppressait.
    Jean-Baptiste desserra l’étreinte de ses doigts, laissant échapper le morceau de verre qui vint se briser contre le bitume austère, dans un bruit d’abandon.
    Elle perçut un bruit clair, quelque chose de faible et fragile entrain de se démultiplier.
    Il chuta, agitant ses bras bientôt inertes, dans un signe au monde entier : « j’existe ! »
    Elle ne sentit plus la chaleur du corps sur sa peau claire, cette transpiration, cette fusion entre deux métaux brûlants.
    Il se fracassa, presque sans bruit au milieu de l’agitation, comme le naufragé dans les flots déchaînés mais contents.
    Elle n’entendit qu’un bruissement étouffé. Elle en ressentit presque un regret tant elle aurait voulu que la foule se taise, juste pour ouïr la mort d’un inconnu. Mais personne n’entendra jamais la mort, elle est trop silencieuse et nous trop sourd.
    Le train, au milieu du frisson de la peur, prit le départ, bercé par les odeurs fraîches du matin. Jean-Baptiste tenta de se relever. En tournant la tête vers son agresseur, il se rendit compte combien elle était jolie. Il eut un sourire, et oublia tout.
    Maud entendit avec soulagement le train rouillé suer et grincer atrocement, avancer inexorablement sur le corps déjà brisé du meurtrier.
    Il sentit, comme une vague trop glacée, oppressante, sa passion lui passer sur le corps. Alors dans ses yeux vitreux, pas de haine, juste un sourire de triomphe : « j’existais ! »
    Elle détourna le regard, avec un mépris indicible. Elle avait gagné. Elle croyait avoir gagné, triomphé de sa peine. Avait-elle vu ce sourire troublant, ce plaisir qu’il avait éprouvé à sa mort ? On ne le saura pas. Là, sur la voie rougie par un sang profond, à l’endroit où un cadavre désarticulé et défiguré gisait, le roi avait sorti le fou du jeu. Ce n’est pas l’homme qui traverse les âges, mais ce qu’il construit. Le roi avait toujours sa place sur le grand échiquier.

    En ce triste après-midi pluvieux, la bière venait de traverser les grilles de sa résidence pour jamais. Il y eut beaucoup de larmes, qui perlaient sur le fard des attristés, laissant des traînées d’aquarelle rejoindre les cols tous noirs. Dans le sermon d’un prêtre sans émotions, une seule chose remua tous les cœurs. Mathieu était mort à 18ans. Si nous avions eu le pouvoir d’observer à travers le bois trop sombre, à travers les inutiles atours, nous aurions tous pu voir un poignet blanc, sans tache, immaculé. À l’extérieur de l’enceinte sépulcrale, devant la déclaration des droits de l’homme et du citoyen, au sol, il se trouvait une petite marque ronde de sang. L’Ami n’avait rien emporté au-delà.
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    Message par Haargummi Lun 10 Mai - 17:43

    Ce texre est très bien écrit mais ne l'avez-vous pas lu en classe, lors d'un exercice de français ?
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    Message par Farniente Lun 10 Mai - 17:45

    lisez la suite, chère amie
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    Message par Haargummi Lun 10 Mai - 17:51

    Êxcusez-moi, je n'avais pas vu !
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    Message par Dorcien Lun 10 Mai - 18:15

    Il a par la suite écrit une nouvelle pour le concours de l'encrier renversé, auquel je participe, en ajoutant sa rédaction en introduction. Mais sa nouvelle était trop longue. Vous pourriez ne mettre que ladite introduction, les envois de nouvelle ne sont pas fini.

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